5. Le charisme césariste

Publié le par Amélie Dalmazzo

En second, Alexandre Dorna définit le « charisme césariste »[1], qui est un charisme d'autorité. Il n'existe qu'à travers l'exercice d'un pouvoir d'état, et dépend donc d'un charisme de légitimité.

En effet, le césarisme « désigne confusément un système politique et un pouvoir personnel autoritaires qui s'appuient ou tentent de s'appuyer sur le peuple et l'armée»[2]. Il y a dans le césarisme « une combinaison de soldat et de leader politique »[3], et « à la différence du messianisme et du populisme, [...], le césarisme est un charisme conservateur : il n'y a pas de volonté de rupture avec le régime en place, mais plutôt un désir d'ordre dans la continuité »[4].


Le charisme césariste constitue ainsi un charisme qui permet le maintient de la tradition, et la survie d'une identité soumise aux multiples influences extérieures. Il fige, par l'instauration d'un ordre incontestable, les valeurs, les croyances et les mœurs d'une époque, d'une communauté. Selon nous, ce « désir d'ordre dans la continuité » qui est à la base du césarisme apparaît comme un élément instructif en ce qui concerne le charisme dans sa dimension globale.


En effet, le charisme messianique et le charisme césariste, bien qu'ils s'opposent dans les effets qu'ils produisent (d'un coté la révolution, le changement ; de l'autre le conservatisme, la continuité), possèdent cependant pour origine un même désir humain : celui de faire survivre un système de valeurs, une conception du monde, une identité, une communauté. Selon nous, seule la manière de les faire subsister varie : l'un passe par le changement, l'autre par l'immuabilité. L'histoire nous montre que les sociétés évoluent par à-coups, procédant par étapes à l'expression de ces deux mouvements contradictoires : un mouvement contestataire succède invariablement à un mouvement conservateur, et inversement. Tout ceci fonctionnant un peu à la manière d'une soupape. C'est ainsi qu'après un mouvement révolutionnaire, une tendance à l'enracinement est nécessaire pour permettre l'intégration par le corps social des changements que cette révolution a engendrée. La révolution française, par exemple, a fait exploser le régime monarchique et l'ordre établi, mais elle a aussi mené à l'institution de nouvelles structures étatiques, qui elles-mêmes ont encouragé ensuite l'établissement d'un ordre dans la continuité.


La conséquence d'une société qui serait gouvernée par le changement incessant serait une instabilité menaçante, où la perte de la cohérence deviendrait proprement ennemie de la prospérité. Cette société perdrait alors les repères et les fondamentaux nécessaires à la détermination de son identité. De la même manière, une société figée dans l'immobilisme, ne pourrait progresser. Elle se sentirait étouffer sous le poids de l'héritage du passé et du pré-pensé, et ne laisserait pas la place à la libre expression des désirs et des besoins d'une époque.

L'identité individuelle ou collective procède de ces mêmes mouvements contradictoires, car chacune de ces entités doit à la fois évoluer et rester fidèle à elle-même. C'est d'ailleurs pour cela qu'un leader charismatique messianique ne peut faire la révolution qu'en inscrivant celle-ci dans la logique d'une quête du retour aux origines. Comme le dit Alexandre Dorna, plus généralement et quelle qu'en soit la nature, « le leadership charismatique représente simultanément le progrès et le retour aux sources primitives »[5].

 



[1] Ce terme renvoie au charisme de César.

[2] A. Dorna.- Le leader Charismatique.- Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p. 55-56.

[3] Ibid., p. 58.

[4] Ibid., p. 60.

[5] Ibid., p. 31.


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