10. Charisme transculturel, charisme communautaire (concept @Dalmazzo)

Publié le par Amélie Dalmazzo


Nous voulons proposer ici deux nouveaux concepts :
- d’un coté, nous pouvons observer des charismes que nous proposons d’appeler charismes communautaires, en ce qu’ils répondent aux besoins spécifiques d’une communauté culturelle ou d’un groupe social qui leur préexiste ;
- de l’autre, nous pouvons observer des charismes que nous nommerons transculturels, car s’ils ne sont pas voués à incarner tel ou tel groupe socioculturel spécifique, ils parviennent en revanche à répondre aux « désirs d’idéals »[1] d’individus aux profils hétérogènes.

Il est essentiel de bien distinguer ces deux types de charismes médiatiques :

Le premier, le charisme communautaire, engage toujours et avant tout la collectivité, en parvenant à incarner les croyances du groupe, et en se donnant comme emblème. Il répond toujours aux besoins et désirs d’une communauté existante, d’un groupe socialement constitué qui se doit par exemple de raviver le sentiment d’appartenance de ses membres, de se repositionner au sein de l’espace social ou encore d’accroître sa visibilité sociale.


Le charisme communautaire alors est élu par le groupe avant d’être élu par l’individu. C’est souvent dans le but de conquérir ou d’affirmer leur « identité sociale » que les individus adhérent à ce type de charisme.

Le second type de charisme, que nous avons baptisé le charisme transculturel, répond à une logique tout à fait inverse. En effet, ce type de charisme ne s’adresse jamais à un seul groupe social, ou à une seule communauté culturelle, qui serait en attente d’un leader. Ce type de figure parvient au contraire à fédérer autour de sa personne, des individus provenant d’horizons socioculturels tout à fait contrastés.


Cette figure séduit toujours d'abord l’individu, donnant ensuite généralement naissance à une toute nouvelle communauté. Les communautés qui se créent autour d’une figure au charisme transculturel possèdent une nature tout à fait particulière : elles ne correspondent pas à un groupe socialement défini ni préalablement existant, elles ne s’appuient pas sur aucune culture commune prédéterminée. Seules les qualités spécifiques de la figure charismatique parviennent à réunir ces individus hétéroclites, qui appartiennent à des communautés différentes, à des cultures disparates, à des groupes sociaux divers.

Dans ce cas, la figure charismatique devient fondatrice d’une communauté nouvelle. Il ne s’agit plus pour elle de venir répondre aux désirs et besoins d’un groupe socioculturel spécifique, mais avant tout de répondre aux attentes des publics sur le plan individuel.

Le type de communauté, engendrée par une figure charismatique, qui n’a pas de réalité sociale préalable, constitue une communauté de croyance dont les individus, appartenant à des cultures et groupes sociaux différents, se rassemblent du fait de leur adhésion à une figure charismatique commune. Nous proposons de les nommer communauté de charisme. Les groupes de fans, par exemple, groupes généralement composés d’individus aux caractéristiques socioculturelles particulièrement mélangées[2], forment justement de véritables communautés de charisme.

Le cas du fan club d’Elvis Presley nous paraît tout à fait emblématique de ce type de communautés spécifiques : ce chanteur illustre a réussi à séduire des individus appartenant à des cultures et à des sociétés extrêmement contrastées. Et, bien qu’il soit mort aujourd'hui, ses fans entretiennent le culte du King. Chaque année lors de l’anniversaire de sa mort, de nombreux fans, venant du monde entier, se rendent à Memphis, dans la résidence du chanteur, pour lui rendre hommage. Une cérémonie, organisée par le fan club officiel américain[3], est perpétrée dans le respect d’une tradition établie par les proches du chanteur : prières collectives, rituels et dogmes officiels (biographies reconnues) structurent ainsi cette communauté de charisme.

 
Nous reviendrons sur ces considérations, en montrant notamment que la musique peut devenir un référent identitaire fondamental pour les groupes sociaux et pour ce que nous appellerons les communautés de musique. Nous montrerons également que des glissements s’avèrent possibles entre les charismes de type communautaires et les charismes transculturels. Pour cela, nous exposerons le cas de quelques figures charismatiques communautaires (celui du chanteur jamaïcain Bob Marley notamment) dont le charisme et la musique ont su traverser les frontières pour finalement s’affranchir des barrières culturelles de sa communauté d’adhésion originelle (pour Bob Marley, la communauté des rastafaris jamaïcains).


[1] Nous évoquerons les Idéals plutôt que les idéaux en ce que nous nous referons à un concept définit par de psychanalyse freudienne. Précisément, ce mot renvoie au concept « d’Idéal du Moi » qui constitue une instance inconsciente guidant l’individu dans ses choix affectifs et dans ses désirs d’évolution personnelle. Dans le contexte où nous employons le mot « Idéals », à ce moment de la thèse, nous signifions que l’individu a besoin de trouver, tout au long de sa vie, des figures de l’altérité aptes à être investies comme un Idéal du Moi. Nous clarifions ce point dans le second chapitre de cette première partie.

[2] Cf les études sociologiques : P. Le Guern (dir.).- Les cultes médiatiques. Culture fan et œuvres cultes.- Rennes, PUR, 2002. et C. Le Bart.- Les fans des Beatles, Sociologie d’une passion.- Rennes, PUR, 2000.

[3] Ce fan-club, l’Elvis Presley Estate, est une véritable entreprise gérée par l’ex-femme du chanteur et leur fille, Lisa Marie Presley. 

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