Michael Jackson : le créateur, la créature et le double du miroir
Michael Jackson, c'est à la fois un créateur et une créature.... de fait il est un personnage double. Double comme Narcisse [1], qui depuis le rivage rêvait d'embrasser son reflet, suspendu à une image.
Le King of Pop, créature imaginaire alimentant tous les fantasmes, est cette parfaite image, toute puissante, immortelle, et donc fascinante. Elle nous a hanté, et nous hantera sans doute encore, mais peut être - c'est une hypothèse! - a-t-elle aussi hanté son créateur?
Une oeuvre de Mark Stuzman : markstuzman.com
Michael Jackson était un créateur. Comme le docteur Frankenstein, il rêvait de donner vie au plus impossible désir et par cela d'accomplir une oeuvre à l'ampleur divine. Il etait un magicien, un génie de l'illusion, lui-même fasciné par la poésie de Neverland (le pays des rêves!). A l'image de cette oeuvre de Mark Stuzman, il passé sa vie à s'inventer et se réinventer lui-même.
Michael Jackson était en quête d'une image, de son image. Pas étonnant quand on sait que, dès son plus jeune âge, il en fut dépossédé. Michael Jackson ne s'appartenait plus! Il fut à son père, puis à l'industrie du disque, aux médias, aux publics, aux fans.... il finit par être à tout le monde, et chacun en dessina les contours... au point qu'il n'y eut plus un seul Michael Jackson mais des millions! Comme autant d'imagos[2] peuplant l'imaginaire de chaque fan.
Cette quête inépuisable vers lui-même, Michael Jackson l'a mise au service de notre propre identité. Son idéal est devenu le notre. Nous le pourchassions pour mieux nous rattraper nous-mêmes.
A travers lui, nous avons exprimé nos désirs de toute puissance et d'immortalité... il est devenu le double du miroir, celui qui, comme pour Narcisse, nous renvoyait à notre triste et triviale réalité.
L'enfant derrière le masque - Sarah Weaver
Boy Behind The Mask
Nous avons tant aimé cette image, ce double capable d'accomplir nos plus fantastiques désirs, que nous avons fini par lui accoler une autre image, comme pour rééquilibrer la balance : celle de Wacko Jacko. Alors Michael Jackson est devenu le double inversé, un autre prolongement de nous-mêmes, capable cette fois d'éclairer l'obscure dimension de nos êtres.
Après avoir su nous reveler à nos propres désirs, Michael Jackson a donc été une image, un support, pour nos peurs les plus irrationnelles. Il fut investit de tous les contenus psychiques refoulés, au point de catalyser le tabou central d'une époque : la pédophilie. Il a été accusé à tors, dans une ambiance de lynchage médiatique international, à l'époque précise où le monde occidental était pris par la "panique pedophile" [3]! Qu'à cela ne tienne, Michael Jackson est un parfait miroir de notre propre ambivalence.
Mieux encore, il a porté jusqu'à nous une vérité essentielle, que les mythes anciens de tous horizons s'appliquent à nous enseigner depuis des millénaires! L'homme n'est pas seulement en prise avec un idéal inaccessible et a fortiori aliénant. Il est aussi, comme Michael Jackson lui-même, soumis à la puissance évocatrice du double monstrueux! Au bas mot, l'homme n'est pas seulement duel, il est "trois" : il y a le moi-idéal, le moi monstrueux, deux images avec lesquels nous nous confondons sans cesse, et il y a le "JE", l'être du réel qui s'observe et se juge face au miroir.
Sur ce point encore, l'oeuvre de Marc Stuzman est d'une remarquable justesse: au côté du créateur qui façonne son image sur une toile, il y a le génie égaré dans l'envers du miroir.
Photo poétique volée à la poétesse Bozeanne
A la manière de Baudelaire, qui sans cesse balançait entre le spleen et l'idéal, l'individu passe son temps à se prendre pour le double du miroir : tantôt celui qu'il rêve de devenir, l'idéal du Moi, et tantôt celui qu'il refuse en lui-même, l'animal pulsionnel que la société le pousse à réprimer.
A l'instar du Dieu Janus, qui possède deux visages qui jamais ne se font face, l'humain est éternellement en quête de son identité. A cela rien d'étonnant : pour se percevoir lui-même, l'individu est toujours condamné à user de l'intermédiaire d'un regard ou/et d'une image.
Regard que l'autre pose sur nous et qui préforme l'image que nous nous faisons de nous. Image d'un soi-même imaginé, idéalisé ou refusé, qui n'existe qu'à l'interieur du regard que l'on porte sur soi.
Alors, comme nous, Michael Jackson est triple. Il y a l'idéal King of Pop, le monstrueux Wacko Jacko, et le créateur... que nous avons également fini par transformer en personnage : Bambi.
Peu importe quel personnage on prefere lui faire jouer, "Michael Jackson, le véritable" restera sans doute et surtout un eternel enfant caché derrière un masque.
POUR ALLER PLUS LOIN, COMMANDEZ MICHAEL JACKSON N'A JAMAIS EXISTE
NOTES :